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ICAONNA Le patrimoine touristique et culturel de l'Yonne
TOURISME
CULTUREL DANS L'YONNE
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L’Yonne dans la Guerre 1939-1945
La Libération |
- Attentats contre les casernes de gendarmerie |
3 |
-
Attentat contre des gendarmes isolés suivi de meurtre
|
1 |
- Meurtres de particuliers |
6 |
- Attentat contre des militaires allemands (meurtres) (Châtel-Censoir) |
1 |
- Enlèvement de personnes |
1 |
- Cambriolages de perceptions |
5 |
- Cambriolages de bureaux de poste |
8 |
- Sabotages de voies ferrées |
8 |
- Sabotages de lignes téléphoniques |
8 |
- Sabotages de lignes électriques |
2 |
- Sabotage d’usine hydro-électrique |
1 |
- Vols d’explosifs |
2 |
- Vols d’armes |
2 |
- Vols de tickets de rationnement dans les mairies |
2 |
- Vols de tabac chez les débitants |
24 |
- Vols d’automobiles |
40 |
- Vols de carburants liquides et solides |
12 |
- Vols de bicyclettes |
23 |
- Vols de pain |
18 |
- Vols de denrées alimentaires diverses |
49 |
- Vols d’argent chez des particuliers |
2 |
Cette période insurrectionnelle qui va déboucher sur la libération
du département est également celle de bombardements qui vont faire
de nombreuses victimes civiles. Tonnerre, où il n’y a pourtant aucun
objectif militaire est touché le 25 juin. Ce jour-là, dans l’église
Notre-Dame, se déroule la retraite de préparation à la communion
solennelle. Une bombe de 250 kg atteint le chœur et fait 7 morts
parmi les enfants. Docteur Tant Mieux, l’auteur de l’Histoire du
diocèse de l’Yonne a ce commentaire: “La Vierge avait protégé le
pasteur et les trois quarts des enfants qui devaient normalement
être réduits en bouillie”. Le même jour, Mailly-la-ville est
touchée, et Auxerre le sera encore le 17 juillet. Mais les
bombardements les plus violents et les plus nombreux visent la gare
de triage de Migennes, attaquée le 25, le 27 et le 30 juin puis le
13 et le 31juillet - et encore en août. Près de la moitié de la
ville est détruite!
Détail terrible: les Alliés avaient demandé au groupe Bayard s’il
pouvait garantir ne immobilisation définitive du trafic.
Comme il ne pouvait honnêtement leur promettre une immobilisation
supérieure à dix jours, les Alliés décidèrent donc un bombardement
aérien. Pourtant rien ne permet de justifier le choix d’une si haute
altitude poux l’effectuer - qui plus est selon un axe
perpendiculaire à la voie !
Le 14 juillet, tout au nord du département, à Champigny/Yonne, le
bombardement d’un train militaire aboutit à un carnage. C’est 40
morts qu’on retrouvera dans les débris d’un train de voyageurs qui
arrivait en gare, en même temps que le train militaire visé par les
avions.
En juillet 1944, l’intégration des F.T.P.F. aux F.F.I. s’opère grâce
aux efforts de Marcel Choupot (le commandant Chollet, du Service
National Maquis, dont l’état-major a été constitué le 31 mai - et
qui sera fusillé le 21 août à Savigny sur Clairis), René Millereau
et Charles Guy - respectivement délégués F.T.P.F. et F.N. auprès de
l’état-major F.F.I. Les uns et les autres parviennent à surmonter
les préventions des F.T.P. à l’égard des “attentistes”, et celles
des autres réseaux et mouvements à l’égard de la direction
communiste des F.T.P.
Le 16 août, Aillant/Tholon est le premier chef-lieu de canton
libéré. Le 19, c’est Avallon. Avallon a été curieusement et
tragiquement libéré en deux fois: dans la nuit du 18 et 19 août, les
Allemands cantonnés à Avallon sont partis vers Montbard, sans
prévenir qui que ce soit. Mais le 24 après-midi, des unités
allemandes battant en retraite depuis Ciamecy réoccupent la ville
quelques heures et fusillent dans la soirée sept gendarmes au bord
de la route qui mène d’Avallon à Pontaubert avant de repartir en
direction de Montbard.
Le 2 I, c’est au tour de Toucy d’être libéré. Au nord du
département, arrivent pendant ce temps, les chars d’une branche de
l’armée Patton. Ils viennent de Montargis et se dirigent vers Troyes
via Villeneuve l’Archevêque. Ils libèrent Pont sur Yonne puis, vers
15 heures, arrivent dans Sens. Après de brefs mais violents combats
aux alentours du collège les FFI/FTP, et les troupes américaines
s’assurent du contrôle de la ville. Les résistants n’ont plus alors
qu’à “nettoyer la région d’éléments qui dans leur grande majorité ne
demandent qu’à se rendre.
Le 22, Coulanges est libéré, le 23 Brienon et St Florentin, Joigny,
et Migennes, le 24 Auxerre. L’Auxerrois est en effet libéré sans
combat: comme à Avallon, les Allemands se sont éclipsés pendant la
nuit. Sadoul (“Chevrier”) un avocat parisien, pourtant peu actif
dans le département les mois précédents, s’est arrangé pour entrer
dans la ville avec les unités du maquis de Merry-Vaux parmi les
premiers. L’accueil des F.F.I. de la part de la population est
évidemment enthousiaste : les gens dans l’ensemble ignore les luttes
sourdes que se mènent les différents courants et les diverses
personnalités de la Résistance. Un résistant authentique, le
communiste Robert Loffroy, jette sur le spectacle de la libération
d’Auxerre un regard plutôt amer : “J’étais suffoqué de voir tant de
militaires galonnés et décorés dans les déifiés. D’où sortaient-ils
?... Mais ce qui me révolte le plus, c’est de voir les flics
responsables de l’arrestation de nos camarades ainsi que les
“collabos” du coin, parader avec une large cocarde tricolore à la
boutonnière. Il faut se taire pour ne pas troubler l’éclat d’un si
beau jour” (*)
Le 26, c’est la libération de Tonnerre. Laquelle donne lieu à
quelques “bavures”: des F.T.P. de Méliki y exécutent sommairement
deux soldats allemands et cinq membres de l’organisation Todt qui
s’étaient pourtant rendus. Les troupes américaines marquent leur
désaccord tout comme le fera le lendemain le commandant Verneuil.
Cela n’empêche pas la populace d’aller exécuter une danse macabre
autour des corps. En riposte, l’armée allemande tire sur la ville,
Il s’en faudra d’ailleurs de peu pour que l’Afrikakorps en retraite
ne venge ces morts inutiles plus gravement: deux cents personnes
sont parquées dans une carrière voisine et l’on craint le pire pour
elles. On les laissera finalement partir, un otage étant quand même
fusillé un peu plus tard. Des maisons sont également incendiées,
mais le sinistre sera circonscrit.
Les maquisards icaunais vont bientôt s’intégrer à l’Armée française
reconstituée qui va libérer l’Est du pays. Le 1er régiment du Morvan
part d’Auxerre le 1er octobre 1944.
Le 1er bataillon est constitué de Poyaudins, le 2e d’Avallonais et
de Tonnerrois (le 3e de Nivernais). Au début février 194 il plante
le drapeau français sur le ballon de Guebwiller. Incorporé ensuite à
l’armée régulière de De Lattre, il traverse le Rhin le 16 avril.
De Joigny sous le commandement de Jacques Adam, chef de corps
partira le 1er régiment des volontaires de l’Yonne, formé surtout
d’anciens du réseau Jean-Marie. Il atteindra Belfort, les Vosges,
l’Alsace, puis traversera le Rhin, le 18 avril 1945.
La mise en place de l’administration nouvelle n’a pas été simple.
Dans le comité départemental de libération (**) comme dans les
comités locaux, le P.C.F. tente sous des étiquettes diverses
(organisations patriotiques ou syndicales) de s’assurer le contrôle
de l’organisation.
La lutte pour la préfecture a été également chaude. Le “commandant
Chevrier”, réfugié à Vililers St Benoit chez Bernard Moreau,
parvient à l’évincer de la des maquis qu’il contrôle, puis propose
son candidat à la préfecture, M. de la Bruchollerie, qui doit
cependant s’effacer le 18 août 1944 devant Paul Gibaud,
régulièrement désigné par le C.N,R.
Le 8 mai 1945, la guerre est officiellement finie, mais le bilan est
lourd. Selon Delasselle, il faut compter au total:
I 219 arrestations,
181 fusillés,
905 internements supérieurs à 15 jours,
541 déportés dont 251 ne sont pas revenus.
Les chiffres concernant les juifs sont, eux, terribles: les
neuf-dixièmes d’entre eux sont morts en déportation. Comment
pardonner de telles horreurs? Aux élections municipales de Sens, le
29 avril 1945, le passé d’un certain nombre d’individus est rappelé
non sans humour. Mais des femmes sont aussi promenées dans Les rues
pour « collaboration horizontale ». Selon un rapport du procureur de
la République. “Dès la libération, environ 2 000 personnes ont été
arrêtées spontanément par la foule... Dès que l’autorité
préfectorale a pu s’exercer sur l’ensemble du département, des
commissions de triage ont été instituées et ont fonctionné. A
Auxerre, 110 personnes ont été libérées et leur arrestation a été
transformée en assignation à résidence”.
Il faut d’ailleurs noter qu’en mars/avril 1945, les tribunaux jugent
et condamnent surtout des femmes. D’autres personnes doivent être
mises sous protection, à la caserne Gouré d’Auxerre, pour éviter les
vengeances.
Une étude de MM. Hohl et Drogland. réalisée en 1982 fait le point
sur l’épuration dans l’Yonne. Elle permet de constater qu’avant le 6
juin 1944, 30 exécutions sommaires du fait de la Résistance ont été
dénombrées dans le département (soit 1,15 0/000 de la population).
Pendant la période insurrectionnelle (juin/août 1944) ce taux
s’accroît. Les Résistants doivent compter sur l’appui de la
population, mais aussi assurer leur sécurité. Comme l’écrit Marcet
Baudot, “il est très difficile de déterminer avec exactitude le bien
ou le mal fondé de ces exécutions, dont certaines ont été perpétrées
par des bandes de malfaiteurs se couvrant du brassard de la
Résistance”. Il évalue même qu’il y a eu aux alentours de 40 %
d’improvisations et de motivations discutables. Ce qui, avouons-le,
est énorme. Sur 28 départements, l’Yonne arrive au 6° rang des
exécutions, lesquelles se montent au total à 86, soit 2,49 pour
10000 habitants (8° rang sur 28).
Après la Libération, 12 exécutions sommaires ont encore lieu. Fin
1944, le nombre des internés administratifs est de 551. L’Yonne est
au 9’ rang sur 28 et au 40 rang par rapport à la population globale
(20,79 0/000)
Les cours de justice - dont les juges sont tirés au sort parmi des
résistants désignés par les C.D.L. - les comités départementaux de
Libération - sont constituées en novembre 1944. Celle de l’Yonne
prononce 4 condamnations à mort (dont 3 suivies d’exécution) et 12
condamnations aux travaux forcés.
Les Chambres civiques sont, elles, appelées à juger les délits de
moindre gravité: adhésion à des organismes de collaboration,
attitude hostile à la Résistance, etc... Elles prononcent 381
dégradations civiques dans l’Yonne. Avec un taux particulièrement
élevé de 14 0/000, l’Yonne est au 2’ rang sur 28, derrière l’Allier.
47 % des personnes sanctionnées sont des femmes. Au total, si l’on
ajoute les exécutions sommaires attribuées à la Résistance et les
condamnations à la peine capitale, on arrive à un taux de 0.50
exécutions pour 10 000 habitants. On est bien loin du nombre de
victimes dues à l’occupation: résistants fusillés, morts en
déportation et au combat, représentent un taux de 16,9 pour 10 000
habitants...
Le bilan est lourd aussi dans les cœurs : la France est libérée,
c’est vrai, mais dans le feu de l’action beaucoup avait rêvé mieux!
Combien de jeunes gens se sont ainsi réveillés durement de leurs
illusions? Combien étaient-ils à s’imaginer que tout ce qui n’allait
pas était “de la faute aux boches”?
Les copains morts, l’apprentissage de la laideur morale (en 1947
Roger Bardet, un des responsables de “Jean Marie” sera jugé en
condamné : il était un agent double au service de l’Abwehr)
l’apprentissage des horreurs de la guerre (eh oui - même le combat
des Résistants a conduit parfois à des pratiques peu avouables comme
la torture) - tout cela pèse lourd. Mais malgré tout, les
authentiques Résistants se souviennent de la fraternité qui les
animait et souhaitent transmettre aux générations actuelles leur
connaissance et leur haine du nazisme.
(*)Cité par Robert Bailly. Cela dit, les “flics” ont aussi rejoint la résistance (dans le secteur Toucy-Villiers St Benoit, comme dans l’Avallonais. Sous le pseudo de “Meliki”, un des chefs FTP de l’Yonne, se cache un ancien gendarme, etc.
(**)Après l’arrestation de Vauthiers, c’est Fovet qui assume la présidence du C.D.L. de l’Yonne.
Pierre RIGOULOT - L’Yonne dans la Guerre 1939-1945 - Vie quotidienne sous l’occupation - La libération - Edition SCRIPTA - Avril 2005
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