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ICAONNA Le patrimoine touristique et culturel de l'Yonne
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Les bauchetons de Puisaye
Ils partaient dans le petit matin d’hiver après avoir soigné leurs
deux ou trois vaches et la jument puis abattu par la goulotte, sur
l’aire de la grange le bouchon* de foin pour la journée des bêtes.
L’assiette de panade ou un peu de café au lait sur un grand bol de
pain coupé menu, un morceau de fromage cuit dans la cendre leur
tenaient au ventre pour la matinée. Puis ils partaient. Leurs sabots
résonnaient sur la terre gelée du chemin. Sur le dos, l’éternel
paletot de velours marron, de grosses mitaines aux mains, la
casquette vissée sur les oreilles, la serpe luisante pendue à la
ceinture derrière, parfois la scie en bandoulière, les bauchetons*
de chez nous rejoignaient leur ordon*.
Souvent un lapin déboulait devant leurs pas, vaquant lui aussi à ses
affaires matinales. De sa poche l’un d’eux tirait vite une cravate*
qu’il plaçait promptement à l’entrée de la musse*…A ce soir Monsieur
Jeannot !
Ils s’en allaient à deux ou trois, en force comme ils disaient, car
ils s’entr’aidaient au plein cœur de l’hiver où il ne faisait bon à
travailler qu’au bois, au moment choisi selon la lune, pour
l’abattage des charpentes. Lorsque l’un d’entre eux, plus matineux
que les autres, arrivait le premier à la loge, il ouvrait la porte,
allumait un bon feu devant l’entrée, donnait un coup de balai de
vargeons* et attendait ses camarades en limant une scie par exemple.
On faisait alors cercle autour du feu, tournant le dos aux flammes
et l’on commentait les nouvelles apprises la veille au soir à la
maison, sous la chandelle, en mangeant la soupe. La pause ne durait
jamais longtemps. Une bonne goutte avalée d’un trait puis chacun
décrochait ses outils pour la matinée. Ceux-ci avaient leur place,
une fois pour toutes, suspendus aux clayonnages des murs: la serpe
tranchante comme un rasoir pour la rame et les bourrées*, le lourd
gouet* de fer à mincer* la charbonnette, et cotret*, le long gojard*
à manche pour approcher l’épine noire et débroussailler et puis la
grosse panoplie: un assortiment de haches et de cognées, les plus
petites pour ébrancher d’une main, les grandes, lourdes et épaisses,
strictement personnelles, pour abattre à deux mains, sans oublier le
long passe-partout menaçant de toutes ses dents aigües, redoutable
lame maniée à quatre mains pour mettre à terre les cadets, les
anciens et les autres plus vieux encore. Enfin, un jeu de coins de
fer et la malluche* au manche de cornouiller, souple à la main et à
la tête dure comme un roc. Et j’oublie tout le reste…Panoplie
laborieuse et rude de bois et d’acier, variée, subtile et polie
d’instruments disparates et précis dans les mains de ces hommes qui
s’en servaient à merveille. Leur seule fortune disaient- ils, qui ne
leur donnait en retour que misère et sueur mais pourtant de quoi
vivre.
Souvent avant d’attaquer, on donnait à deux un tour de meule à une
serpe, on affilait le taillant d’une cognée, on remmanchait un
merlin, on ressiquait* la bricole d’un sabot. Et l’on partait à
l’ouvrage. Le petit groupe se dispersait alors au travers de la
coupe et chacun gagnait son ordon*, ce carré de bois à exploiter,
dévolu par le tirage au sort à chacun des bauchetons au moment de
l’embauchage. Durant la matinée, de loin en loin on entendait les
hommes travailler. Parfois un appel retentissait: un coup de main
pour tourner une moderne* récalcitrante ou pour tirer le passe-
partout au pied d’un cadet* avant midi, mais aussi pour saluer le
démarrage d’un grand lièvre dérangé dans sa forme ou encore
simplement pour le plaisir d’entendre une voix humaine dans ce
silence de cathédrale. Lorsque le chantier n’était point trop
éloigné de la route, le facteur faisait le détour et entrait dans la
loge déposer deux ou trois journaux, buvait la chinchée* qu’on lui
avait préparée et reprenait sa canne et sa tournée. Les bûcherons de
chez nous suivaient de près la politique. N’avaient-ils pas, ici, au
fond des bois, proclamé la République plusieurs jours avant la date?
Personne n’en a jamais parlé et Paris ne leur avait pas pardonné.
Ils avaient payé cher par la suite cette soif de liberté et de
dignité. Mais qu’à cela ne tienne, ils luttaient dur encore et ne
prétendait-on pas que, malgré des salaires de misère, ils étaient
parmi les mieux payés de France en raison de leur habileté?
Lorsque venait midi l’un d’eux laissait la serpe sur une chieuve* et
partait à la cabane rallumer le feu sous les cadrins*. Le maigre
fricot était bientôt prêt et le cuistot d’occasion sortait alors et
lançait à pleine gorge à la ronde: -“A la loge!...” en ponctuant son
appel d’un coup de rondin sur le cul d’un chaudron. Bientôt, un à
un, les hommes arrivaient. Selon le temps, on mangeait dehors, assis
sur quelque souche ou une selle à trois pattes; ou bien dedans,
autour d’une table apportée là avec deux bancs grossièrement
équarris. On piochait de sa fourchette à même dans son porte-dîner
dans quelque restant de choux. On tirait de sous la cendre deux ou
trois pommes de terre qu’on se partageait. Il arrivait que l’un
d’eux sorte d’un morceau de journal un gendarme* qu’il présentait à
la flamme, de la pointe d’une baguette. Et puis du fromage. je crois
que si les peuples de l’Antiquité n’avaient pas répandu la
fabrication du fromage, les paysans de chez nous l’auraient inventé.
De chèvre ou de vache, mou, dur, cuit au cidre ou dans la cendre, il
était leur dessert rustique. On terminait toujours sur une pomme,
pelée avec application en un fin et long ruban. Un coup de cîte*
faisait glisser tout ça. On rangeait alors le cadrin* au fond de la
musette et l’on faisait claquer son couteau, signal rituel de la fin
du repas. Alors l’on s’abandonnait un quart d’heure à lire le
journal, les jambes allongées à la tiédeur du feu.
La loge des bauchetons de Puisaye tenait à la fois de la hutte de
trappeur, de l’intérieur d’un P.-C. de campagne en première ligne et
de la résidence secondaire rustique…Elle était le fruit d’une œuvre
collective de gens de même condition. Lorsque l’exploitation des
coupes devait s’étendre sur plusieurs années, on la bâtissait plus
durable, et souvent confortable. Bâtie sur poteaux liés entre eux on
la garnissait d’entrelacs en bourdaine savamment tressés, colmatés à
l’argile épaisse et tapissée de fougère à l’intérieur. On la
couvrait de genêts. Certaines loges avaient belle allure. Rarement,
une petite fenêtre dispensait une vague clarté, mais il valait mieux
laisser la porte ouverte pour s’y voir le blanc des yeux. Pourtant,
bien close, lorsque l’hiver soufflait la bise on pouvait s’y tenir
au chaud auprès d’un petit poêle à deux marmites qui rayonnait sa
joyeuse douceur. Dehors, à la porte, un seau d’eau se tenait
toujours prêt pour se laver les mains, mouiller la meule ou calmer
la braise.
Aux parois, l’on suspendait comme à un râtelier d’armes, la panoplie
des outils qui voisinaient avec un chapelet de têtes d’ail et
d’oignons. Chacun y possédait son coin personnel. Dans cet intérieur
sombre et rustique régnaient des senteurs capiteuses de feuille
séchée, de fougère et de genêt, mêlées à la froide aigreur des
anciens repas que venait adoucir le parfum du tabac gris
d’autrefois. Et je me souviens encore de la lourde odeur de velours
mouillé des paletots des hommes. Pourtant, comme on s’y sentait bien
dans la loge des bauchetons! Lorsqu’il neigeait ou que le temps
était trop mauvais la coinchée les retenait au chaud parfois jusqu’à
ce que, lassés, ils se décident à partir chez eux, sans avoir pu
travailler seulement de quoi payer leur pain.
Dans les coupes, on reconnaissait l’ouvrier à l’ordon et l’on
pouvait, sans se tromper, dire que tel roule de charbonnette était
le travail d’untel, seulement à la manière de placer les brins dans
le tas. Il fallait disait-on, pour gagner sa vie, savoir empiler de
sorte qu’on puisse tirer un lièvre au travers de la corde*. Souvent,
par un bel après-midi d’hiver, femmes et enfants venaient apporter
un coup de main. Ils mettaient en meules copeaux et ressopes*, ce
bénéfice sacré et intouchable du bûcheron de chez nous. Et c’était
alors la joie dans le bois. Ils apportaient dans le panier, sous un
torchon, le fromage blanc qu’ensemble l’on partageait sur d’épaisses
tartines de pain et qu’on saupoudrait d’une pincée de gros sel. Mais
le soir venait vite à cette saison et, la journée finie, chacun
repartait chez soi par les longs chemins de l’hiver. Certains
emportaient sur l’épaule un faisceau de lances de coudrier* dont, à
la veillée, ils savaient tirer de longues éclisses pour tresser
devant la cheminée, un panier. Et puis, qui sait, sur le chemin du
retour, à l’entrée de la musse de ce matin, Jeannot Lapin les
attendait-il en cravate ?
François Pierre CHAPAT
Vagabondages en Puisaye
Souvenirs – Témoignages
Edité en 1999
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1- Grande hache à équarrir les poutres ou “hache à
blanchir”. 2- Hache à abattre ou cognée. 3- Gojard à main ou à manche. 4- Gouet. 5-Serpe. 6- Chieuves à “mincer’. 7- Chieuve à scier. |
LEXIQUE
Mieux peut-être qu’un lexique, un vocabulaire, plutôt un glossaire
qui voudrait rassembler ici les termes ou les expressions
dialectales de chez nous et qu’il convient de traduire et
d’expliquer, mais aussi certains mots bien français dont l’usage n’a
pu survivre au temps, ou dont le caractère spécifique pourrait
échapper au lecteur anonyme non averti. Que l’on me pardonne ce
trait que certains pourraient prendre, bien à tort, pour pédantisme,
mais qui pourtant je pense, a sa place ici.
Baucheton:
Que l’on écrive ainsi ou autrement, en Puisaye il est le bûcheron.
En général, chez nous, le baucheton n’était pas un ouvrier à temps
complet. L’exploitation des coupes ne se fusait qu’en dehors de la
saison de pousse du bois, Le baucheton s’embauchait (ce dernier mot
a une étymologie différente) généralement sous un contrat écrit ou
verbal, auprès d’un entrepreneur (le marchand de bois) ou bien
encore pour son compte, librement, pour l’exploitation d’un “ordon”.
(voir ce mot). Baucheton provient de l’ancien français bosc, bosco=
bois, du latin boscus. C’est pourquoi ne conviendrait-il pas
d’orthographier “bôcheton” pour rappeler l’éthymologie et respecter
la prononciation régionale?
Bourrée:
Le fagot de menus branchages liés ensemble à la façon d’une gerbe,
et destiné à allumer le feu.
Cadet:
Appellation d’une catégorie marchande de chênes sur pied qui, selon
son âge, a survécu à quatre révolutions d’exploitation. (80 à 100
ans suivant les habitudes d’aménagement). Pour certains marchands le
cadet mesurait 150 à 180 cm de circonférence à 1,30 mètre du sol.
Les dénominations de moderne (voir ce mot), cadet, ancien etc...
variaient selon les lieux, même en Puisaye. Aujourd’hui, seule la
mesure exacte du pied, soit debout, soit abattu, prévaut pour la
vente au cubage réel.
Cadrin:
C’était le petit ou le grand porte-dîner, le plus souvent en fer
blanc étamé, plus tard émaillé, dans lequel les hommes emportaient
leur “goûter” (chez nous le repas de midi). Selon la taille, il
pouvait servir à un ou plusieurs convives. Les plus grands cadrins
comportaient, soudé au sommet du couvercle, une sorte de réceptacle
troncônique ouvert, destiné à contenir le sel. Pourquoi ce terme
“cadrin”? Peut-être était-il fabriqué à Imphy (Nièvre) puisqu’on
disait pour se moquer: Imphy les cadrins. Peut-être aussi
pensons-nous, ne contenait il le plus souvent qu’un maigre repas: le
quart de ren (rien).
Caïffa:
A l’origine (XlXème S.) c’était une marque de produits d’épicerie
d’origine orientale ou coloniale que voituraient des marchands
ambulants dans de petites carrioles noires à l’enseigne “Au Caïffa”.
Charbonette:
En matière de débit de bois au départ de la coupe, on distingue la
bougée, le fagot, la charbonnette, la moulée, petite et grosse, la
grume etc...La charbonnette servait jadis à produire le charbon de
bois qu’on a utilisé depuis l’Antiquité pour l’alimentation des
fourneaux de toutes sortes. Ses dimensions ne dépassaient pas la
grosseur du bras. Chez nous les brins de charbonnette étaient
“mincés” (voir ce mot) à une longueur variant, selon les paroisses
puis communes, autour de 0,66 m. Aujourd’hui, tout le bois de
chauffage est débité à la longueur d’un mètre.
Charrouée:
Le “ée” afin d’accentuer la prononciation du phonème ée. Mot très
ancien pouvant provenir de carroué (avec l’idée de réunion) ou de
carré (par la forme de cette grande toile rude). Le charrouée, quoi
qu’il en soit, fut l’un des plus anciens accessoires de transport à
dos d’homme ou d’animal. On réunissait sur cette toile tout ce que
l’on avait à emporter.
Chieuve:
C’est la chèvre. De l’ancien français chièvre. Les gravures du texte
montrent mieux qu’une explication l’accessoire du bûcheron qui
servait soit de “porte-coup” pour la “chieuve à mincer” soit d’appui
pour la “chieuve à scier”.
Chinchée:
Terme essentiellement dialectal utilisé pour les liquides qu’on
verse dans un verre, un godet (eau de vie, alcool). Elle est chez
nous synonyme de petite mesure que l’on verse avec parcimonie, plus
grande cependant qu’une “larme”. Ce mot ne pourrait-il pas provenir
de la racine “cinq” peut-être le “cinquième” d’une unité de mesure
d’autrefois?
Cite :
Le cidre. De pomme comme de poire, indifféremment. Prononcer en
s’attardant légèrement sur le phonème î.
Corde:
Mesure de volume de bois empilé (charbonnette, moulée). Elle pouvait
autrefois varier de 2,3 à 3,3 stères selon qu’on était en Puisaye de
l’Yonne, de la Nièvre ou du Loiret.
Cotret:
Du brin de charbonnette (voir ce mot) on tire le cotret, coupé
court. Lié en petits fagots, on l’exportait autrefois dans les
foyers parisiens.
Coudrier:
C’est le noisetier, le “coudre”, le “coude” en Puisaye. Du coudrier
blanc on levait, en saison, de longues éclisses, les “essiques” en
patois, pour tresser paniers, bannes, ruches, etc…
Cravate:
A l’entrée d’une “musse” (voir ce mot) le braconnier place son
collet, c’est là la cravate destinée au lapin.
Dard:
La lame de la faulx.
Faseux :
En patois poyaudin, celui qui fait, qui fabrique, soit de ses mains,
soit par ses manières. Dans l’ancienne langue, les diverses formes
du verbe faire se prononçaient fa, comme le latin facere. Cette
forme s’est perpétuée chez nous dans le mot faseux. Il y a un
féminin: faseuse.
Gendarme:
C’est le brave hareng-saur de bien des ouvriers.
Glenne:
Très ancien mot (XIIIè S) qui vient du latin glenare, le bouquet
d’épis.
Gojard:
C’est un genre de serpe à long manche, que l’on manie à deux mains
et qui sert à “dessarter” c’est-à-dire élaguer les épines le long
des haies. Sur le dos du fer un crochet sert à pousser les épines.
Le “croissant”, de même usage, n’existait pas chez nous il y a
soixante ans. Il existe aussi le “gojard à main” sans manche ni
crochet pour travailler au sol. Le mot est de la même famille que
“gouet” (voir ce mot).
Gouet:
Mot d’origine franque. Outil à main du genre serpe mais entièrement
en fer, plus gros, plus lourd, plus fort. On l’utilise pour “mincer”
(voir ce mot) la charbonnette, les gros brins. C’est le modèle
intermédiaire entre la serpe et la hache.
Javelle: Une gerbe est généralement constituée en deux temps. Lors
du premier passage du faucheur, le ramasseur dépose sa brassée sur
le lien (ou la “liasse”) c’est cela la javelle, Au second tour il
complétera et pourra ainsi terminer et lier sa gerbe.
Jetée:
C’est le geste du poignet du faucheur lorsque la lame a terminé sa
course.
Liasse:
Une gerbe se lie, s’attache, Autrefois, lorsque la moisson se
faisait entièrement à la main on n’utilisait pas de ficelle, On se
servait d’une poignée de blé prise dans l’andain et l’on constituait
la “liasse” (en patois Yasse). Pour l’avoine, plus courte, on
utilisait le lien de bourdaine (le pulain en patois) prélevé dans
les bois, à l’état vert.
Lombarde:
La pierre à aiguiser des faucheurs. Elle devait être d’un grain fin
et mordant, La meilleure qualité, paraît-il, provenait d’Italie, en
Lombardie.
Mâchons:
C’est le résultat du broyage des fruits dans la préparation du
cidre, le moût. Après le passage au pressoir les mâchons sont
stockés dans des contenants hermétiquement fermés. Autrefois,
lorsque l’on ne voulait pas sacrifier des fûts, on creusait dans
l’argile des grands trous dans lesquels on les conservait jusqu’à
leur départ pour la distillation en hiver.
Marchais:
Une mare creusée généralement de main d’homme, proche des bâtiments
d’exploitation. La marchais était destiné à l’abreuvement du bétail.
Les abords étaient empierrés. Il gardait l’eau. La mare est la nappe
d’eau sauvage qui stagne naturellement dans la campagne, dans les
bois. En Puisaye on sait faire la différence.
Malluche:
Il s’agit d’un mot très ancien (XIè S.) qui provient en droite ligne
du latin malleus=maillet. La Malluche est en effet un gros maillet
en bois (orme,
poirier, cormier etc...) que le bûcheron manie des deux mains. Son
long manche, en bois d’épine, doit être souple pour accentuer
l’effet de frappe. Il sert pour enfoncer les coins, les piquets.
Manoeuvrie:
En français manoeuvrerie. Petite ferme tenue par une famille, dont
l’occupation était la culture mais aussi les travaux sur place ou au
dehors, sans spécification particulière. La “bricole” était
également une petite ferme de même nature. Appellation différente
mais même bien. Notons cependant la connotation dans bricole, de
difficulté, de peine à exploiter.
Mézienne:
Il s’agit d’un très ancien mot français (XllIè S.) que nous avons
conservé. C’est, en Puisaye, la sieste, la méridienne de
l’après-midi. Celui qui prenait l’habitude de s’attarder à la sieste
était un mézienneux.
Mincer:
Le mot est issu directement de l’ancien français mincier: couper
court, en menus bouts, En Puisaye on “mince” à la serpe la
charbonnette sur la “chieuve” (voir ce mot) en morceaux de longueur
utile; on ne la “coupe” pas alors que l’on coupe une branche.
Egalement on “mince” du pain dans la soupe, la trempée, on mince des
betteraves dans le mince-bettes (le coupe-racines). Par contre on
coupe du fromage, du boudin. C’est une des subtilités de notre
patois.
Moderne:
En foresterie, dans le taillis sous futaie, si le baliveau (voir ce
mot) est le jeune chêne de premier âge, le maîneau de second âge, la
moderne est un
pied du 3ème âge, c’est à dire de 60 à 80 ans. Certains distinguent
petite et grosse moderne, selon la venue. Elle précède la catégorie
des “cadets”.
Moulée: Dans le débit des bois de chauffage, la moulée est plus
grosse que la charbonnette. Elle provient du branchage des
houppiers. On disait aussi bois de “moule”. Elle était coupée à la
longueur de 114m
Musse:
En ancien français on disait “meusse” (XIIè S.). C’est, en Puisaye,
un passage, un trou pratiqué dans la haie par les lapins ou tout
autre gibier, même par l’homme. Mais c’est toujours un passage
étroit. Le mot a donné musser, se musser
Ordon:
En Puisaye l’ordon est la surface de taillis sous futaie dévolue par
tirage au sort entre les bûcherons candidats à l’exploitation d’une
coupe. C’est le chantier de travail de chacun. Ce mot est d’origine
très ancienne (Xlè S.). Si son sens a évolué au cours du temps il
conserve une connotation “d’ordre” d’exécution. Chez nous il ne
concerne que la forêt alors que dans le Val de Loire et le Berry
proche il s’applique aussi au travail agricole de façonnage ou aux
soins donnés à la vigne.
Ressiquer:
Dans le sens de réparer avec une éclisse, une bride. On ressiquait
la “bricole” d’un sabot, l’éclisse d’osier d’un panier.
Ressope:
C’est le résultat d’un recépage dans l’opération d’abattage du
taillis. La ressope est l’extrémité du pied de l’arbre abattu à la
hache. On “assainissait” au passe-partout ou à la scie le pied de
l’arbre pour une meilleure présentation à la vente. Le bûcheron
gardait la ressope. C’était son bénéfice contractuel. Aujourd’hui
les moyens mécanique d’abbattage ne permettent plus cet avantage.
Vargeons:
Littéralement: petites verges. En général, petites verges de bouleau
prélevées au printemps. On en faisait des balais. Les ménagères
autrefois prétendaient que le bouleau faisait briller le carrelage
de terre cuite.
François Pierre CHAPAT
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